Histoire
Qui suis-je ? Un nom. Un numéro. Un pantin. J’aurais aimé connaître mes origines, savoir d’où je viens, savoir qui je suis. Je connais seulement mon nom et mon prénom, en admettant que ce soit réellement mes parents qui m’aient nommé. Je suis orpheline depuis toujours, en tous cas je n’ai pas le moindre souvenir d’un quelconque parent. Sauf que contrairement aux autres orphelins envoyés en accueil, on ne m’a pas donné à une famille, on m’a vendu, à eux, au gouvernement américain. Oui, vous êtes encore loin de connaître tous leurs petits secrets. Ces murs, c’est tout ce que j’ai connu, cette unité, ces soldats, cette vie imposée.
Le gouvernement achète de nombreux orphelins chaque année, j’en ai donc fait partis. Vous devez vous demander en quoi des humains les intéressent, et bien c’est simple, nous avons deux possibilités, être accepté en tant que combattant ou devenir cobaye pour la science. Je n’étais peut-être pas la meilleure, mais je savais avoir réussi les tests pour devenir soldat. C’est ce que j’aurais été, si le directeur de la section scientifique n’avait pas payé pour m’avoir. Pourquoi moi ? Allez savoir, encore un vieux pédophile qui a envie de se toucher devant les pleurs d’une jolie fille. Ce pervers a littéralement signé ma fin et je n’étais qu’une enfant, mais il venait de changer à jamais mon destin, le rendant bien plus atroce que le fait de devenir combattante.
Mon calvaire commença véritablement cette année-là. Le jour j’étais allongée sur une table de laboratoire, obligée de les laisser tester sur moi je ne sais quelles choses. La nuit je devais supporter cet homme qui entrait en douce dans ma cellule et s’amusait à poser ses mains sur moi. Voilà ce qu’est devenu mon quotidien pendant de longues années. Je ne savais pas quelles émotions mettre sur ce que je ressentais. On ne m’a jamais appris les sensations, ils disent que ce sont des choses qu’on apprend seul, mais moi je ne savais pas. J’ignorais ce qu’était la colère ou la tristesse, la joie ou l’amour, la peur et la haine. Il n’y avait rien, juste le vide, parfois un sentiment d’incompréhension, mais jamais rien de plus. Je ne sais pas comment ressentir, et très vite ils ont ajouté insensible à mon dossier.
Insensible peut-être, mais je savais au moins ce que je voulais et ce que je ne voulais pas. Je ne voulais pas que cet homme continue d’abuser de moi alors je me suis mise à réfléchir à comment l’abattre. Je n’ai encore jamais tué. Je n’ai pas eu besoin de le faire, un homme d’une autre unité s’en est chargé à ma place, un combattant. J’ignore pourquoi il a fait ça pour moi, pourquoi est-ce qu’il a menacé cet homme de ne plus me toucher, pourquoi est-ce qu’il l’a tué de sang-froid lorsqu’il a recommencé. Je n’ai jamais su pourquoi, mais je l’ai au moins remercié d’avoir arrêté ce calvaire. Au moins maintenant je n’avais plus que les jours à devoir supporter.
Plus je grandissais, plus mon corps semblait répondre positivement à leurs tests. Ils étaient fascinés, je ne comprenais pas non plus ce sentiment. Je savais seulement que parfois, après l’un de leur test, j’arrivais à user de magie. Ça a commencé avec le feu, je parvenais à le manipuler à ma guise sans trop de difficultés, mais ça ne durait que quelques secondes. Puis il y a eu la terre, je ne savais pas faire grand-chose avec, ce qui est plutôt dommage puisque les effets duraient plus longtemps avec ce pouvoir. Il y a ensuite eu l’eau, bien plus facile à manipuler, je pouvais même choisir sa température. Il y a eu l’air, pouvoir avec lequel j’ai tenté de mettre fin à mes jours et d’emporter toutes les personnes dans la salle avec moi, nous plongeant comme dans l’espace, jusqu’à ce qu’ils finissent par m’injecter un produit pour m’endormir. J’étais le seul sujet à répondre aussi bien aux tests et surtout face à tous les éléments. Alors ils ont poursuivis, analysant de mieux en mieux les gênes de ces moroïs, tentant de les reproduire, essayant de faire en sorte qu’ils ne fassent plus qu’un avec les humains.
C’est lorsqu’ils ont essayé le pouvoir de l’esprit sur moi que tout a dégénéré. Une dose bien trop grande, accompagnée d’une seconde dose censée souder ce gêne parmi les miens, ou quelque chose comme ça, je n’ai jamais vraiment eu l’occasion d’étudier la science même si je suis un cobaye. Cette tentative de trop a eu un effet de réveil, comme si tous les pouvoirs qu’ils avaient testés sur moi n’avaient jamais disparus, restant simplement enfouis quelque part, cachés loin de leur regard. J’ai hurlé si fort que j’aurais pu me rendre sourde. J’ai senti mon corps brûler, ma tête exploser, et ce sang couler de tous mes orifices. Puis il y a eu une seconde de silence suivit de cette explosion.
Je me suis réveillée nue autour d’un tas de cendres. Il n’y avait plus rien autour de moi, plus d’unité 104. Plus de murs. Plus de scientifiques. Juste le vent, le soleil, l’eau, la terre, mon corps et mon esprit. J’ai su que c’était ma chance de m’en sortir, d’être libre, d’essayer de commencer une vie. Je me suis enfuie, sachant qu’il y en avait d’autres, qu’ils viendraient à ma recherche pour me récupérer ou me neutraliser. Alors j’ai essayé de me faire discrète, du moins autant que je le pouvais car ce n’est pas facile lorsqu’on est soit même une bombe à retardement. Par moment je parvenais à contrôler ces pouvoirs, tandis qu’à d’autres, ils échappaient totalement à ma volonté. Je sais ce que je suis, une boule d’énergie qui grossit de jour en jour. Le problème, ce sont les dégâts que risque de causer cette boule d’énergie lorsqu’elle éclatera.
J’ai tenté de trouver des réponses, j’ai tenté de vivre également. J’ai essayé de ressentir quelque chose, avec le toucher, la vue et l’odorat, avec des hommes et des femmes, avec l’art et le goût. Il n’y a toujours rien. Je trouve pourtant que la vie hors de l’unité est bien plus belle, plus calme malgré cette fuite constante, mais rien d’enivrant, rien qui ne me transporte comme le décrivent certains poème, rien qui ne me fasse rire ou pleurer, rien qui ne me fasse quoi que ce soit. Alors j’ai fini par comprendre, par découvrir mon but. Je ne suis pas ici pour aimer la vie, je suis ici pour la rendre meilleure, pour mettre fin à une guerre. J’ai fini par comprendre que cette boule d’énergie pouvait tout détruire comme tout sauver. Oui, je sais maintenant pourquoi je suis là, mais j’ai besoin d’un allié pour rendre ce but possible et cette personne est la raison pour laquelle je me dirige vers Missoula. J’ai entendu dire qu’Alec Mcdowell pouvait rendre l’impossible possible, il est temps de voir jusqu’où il est prêt à aller pour sauver ce monde.