Nouvelle vie | Claire & Kylian

Ou suis-je ? C’est quoi ce lieu ? C’est quoi tous ses bruits ? Toutes ces odeurs ? J’ai encore entendu ce son glaçant, avant qu’un gros morceau de métal ne me déplace sur le béton, apparemment conduit par une personne. Ce monde a l’air si destructeur. Etait-ce de cela qu’ils souhaitaient me protéger ? Mais est-ce qu’on me protégeait vraiment ? Je n’arrivais pas à comprendre, à intégrer ce qui se passait. Je voulais juste fuir, faire demi-tour, retourner dans ma chambre, même si ça voulait dire d’autres méchants messieurs.

"Fais attention maboule, t’es en train de perdre la boule."
« C’est petit ça, Bernie. »

Je baisse la tête sur ma petite mascotte, que je sers contre moi. Heureusement qu’il est là, sans lui, je ne sais pas ce que je ferais. Je ne sais pas non plus comment j’aurais pu survivre jusqu’à aujourd’hui. Je ne sens même pas le frisson qui me parcourt le corps, je reste bloquée sur la vision que me renvoie une vitre. Est-ce que c’est moi ça ? Je ressemble à ça ? C’est bizarre. Je n’ai pas les mêmes formes que les gens venus. Il y a… Des masses sur ma poitrine. Et… Pas la même forme de visage. C’était bizarre. J’entends un sifflement et je me retourne brusquement, tombant sur le sourire d’un homme. Mais… Je n’aimais pas cette impression que je ressentais à ses côtés.

"Maboule…"

Je n’écoute pas Bernie, mais je pars malgré tout, recommençant à marcher au hasard, mettant de la distance avec le lieu où j’ai vécu toute ma vie. Mais je serais incapable de me repérer. Le monde parait si grand… Et les êtres qui le composent étranges. Ils n’étaient pas habillés comme moi, ou comme papa. Papa, où es-tu ? Est-ce que j’arriverais à te retrouver avec tout ce monde ? Avec tous ses êtres ? J’ai froid. Il y a de l’eau qui tombe et qui a totalement trempée ma robe. J’ai froid mais mon corps ne frissonne pas. N’est-ce pas ce qu’il aurait du faire ?

Je passe dans une ruelle un peu plus sombre et j’entends des voix. Je resserre ma prise sur Bernie, tout en continuant d’avancer. Et tout d’un coup, j’entends un coup de tonnerre. Sauf qu’il n’y a pas de tonnerre. J’avance plus doucement et je tombe sur un homme qui tient un objet métallique à la main et qui tremble. Et il y a un autre homme sur le sol mais il a l’air aussi mal que les méchants messieurs que j’ai laissé dans ma chambre. Je ne sais pas si je fais un bruit mais l’homme relève les yeux sur moi et j’ai le temps de voir ses pupilles toutes grandes avant d’entendre un autre coup de tonnerre et d’avoir très mal au ventre. Encore plus qu’avec mes règles. Je sens mes jambes qui se dérobent et y a le noir. Tout est noir…

J’entends la voix de Bernie au loin, à un moment. Puis une voix inconnue, masculine. Je sens une main chaude qui se pose dans mon cou et je perds de nouveau le fil. A un moment, je crois que quelqu’un tente de me repousser mais je suis accrochée. Accrochée à la nuque, buvant un liquide qui me redonne des forces, qui me fait me sentir vivante. Un liquide avec un goût inoubliable. Puis je me perds de nouveau. Encore une fois. C’est de nouveau le noir.

"Ouvres les yeux, filette, c’est devant que ça se passe."

J’entends une voix féminine, inconnue, mais claire et agacée. Bien audible. Et ça me réveille brusquement. Je sens mon corps qui frisonne, enfermée dans cette longue robe blanche, glacée par la pluie. Je me redresse, contre le pan de mur, et je sens en même temps un truc qui me colle à la mâchoire. Je le frotte et quand je mets les doigts devant moi, ils sont tous rouge. J’entends la voix de Bernie, avec une intonation soulagée.

"Enfin maboule, j’ai cru que t’allais me laisser seule avec eux. Faut que tu me viennes en aide par contre."

Je relève la tête et je tombe sur un homme très grand, qui tient Bernie d’une main avec une moue un peu dégoûtée. Pas touche à Bernie. Je sais que ma mascotte a déjà eu des jours meilleures, notamment qu’elle a une partie de sa fourrure toute roussie mais elle a une âme ! Pas besoin de le regarder avec dégoût. Par contre, je ne vois pas la femme… Mais je vois bien les deux hommes morts, l’un qui était déjà là avant, l’autre qui m’est inconnu et qui est très proche de moi, le cou couvert de liquide rouge…

« Je sais que Bernie peut être agaçant… » J’entends une exclamation mécontente de Bernie mais je n’arrête pas de parler, doucement, d’une voix pas très forte « … Mais faut pas le tuer pour autant. Dis elle est où la dame qui parlait tout à l’heure ? »

Oui, c’est mon premier contact avec un inconnu mais je vais pas faire la timide, j’ai rien à cacher et j’aimerais bien récupérer mon Bernie… Et je pense que lui aussi.